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Jouir peut attendre : annoncé comme le film détonant de la Mostra de Venise, dont la 81e édition s’achèvera le samedi 7 septembre, Queer, de Luca Guadagnino, avec Daniel Craig dans le rôle d’un gay sous l’emprise de drogues, est juste une mécanique plus ou moins bien huilée. Adapté du livre du même nom de William S. Burroughs (1914-1997), écrit en 1952 et publié seulement en 1985, ce long-métrage en lice pour le Lion d’or – vingt et un films sont en compétition – est dénué d’originalité : son récit est littéral, son image propre, et Daniel Craig y apparaît un peu crispé dans son costume en lin avec chapeau, de ceux que portait Burroughs.
Car le roman de l’écrivain de la Beat Generation est largement autobiographique : au Mexique, Lee, quadragénaire, traîne son mal-être dans les bars homos, cherche à assouvir son désir pour des jeunes hommes. Il vit une liaison passionnelle mais contrariée avec Allerton (Drew Starkey) en compagnie duquel il partira en Amazonie pour trouver une plante bien spécifique, le yagé, connue pour favoriser la télépathie.
Daniel Craig, étiqueté depuis plus de quinze ans comme l’agent 007 (de Casino Royale, en 2006, à Mourir peut attendre, en 2021), endosse ici le rôle de cet homme fragilisé, même si le héros de Queer partage avec James Bond un amour immodéré pour les armes. Burroughs était lui-même un être complexe, un érudit qui fréquentait des malfrats, un homme marié qui tua sa femme sans le vouloir, en jouant à Guillaume Tell : il visa mal et la balle alla se loger dans la tête de son épouse au lieu de toucher le verre qui était posé dessus. L’épisode tragique est retranscrit dans le film de Guadagnino.
C’est d’ailleurs l’un des défauts de Queer : il est trop explicatif. Dès les premiers plans, tout nous est signalé de manière scolaire, les pistolets étalés dans la chambre de Lee, les cendriers pleins, mais aussi les taches sur le dessus-de-lit de l’hôtel de passe, où a lieu la première scène de sexe. Sur ce plan-là, ne rien attendre d’exceptionnel, si ce n’est de belles paires de fesses, et aussi cet instant érotique où Daniel Craig « mord » un sexe à travers un caleçon bien moulé. Cela va sans dire, Queer est éligible au Queer Lion, prix LGBT du festival vénitien.
Paradoxalement, ce drame sous substances ne cherche pas réellement à faire ressentir l’errance du personnage : Queer privilégie l’action, hormis une ou deux scènes de rêverie, tel ce corps nu de femme sans jambes. Daniel Craig est presque toujours en mouvement, avec les yeux plissés du baroudeur : il entre dans un bar, commande une boisson, ressort, en quête de chair. Mais les rues sentent le fabriqué, on ne croit pas une seconde qu’il se promène, et la lumière chaude, permanente, donne l’impression qu’il est toujours la même heure. La mise en scène est surlignée par une musique conquérante, le récit est divisé en chapitres pour que l’on ne se perde pas. A force de guider le spectateur, Guadagnino le perd et vide son imaginaire.
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